Collège Lycée Eugène-Jamot

France > Nouvelle-Aquitaine > Creuse > Aubusson

A Aubusson, l'apparition de l'enseignement secondaire coïncida avec l'époque révolutionnaire. La ville de Guéret étant devenue le chef-lieu du département, Aubusson obtint de sa rivale, en compensation, l'implantation de l'Ecole Centrale de la Creuse, qui ouvrit ses portes le 20 avril 1796, sous le Directoire. Mais avec la création, sous l'égide de Napoléon Bonaparte, des lycées, par la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802), cette institution disparut, car le lycée de Limoges était censé suffire aux deux départements que constituaient la Creuse et la Haute-Vienne, et rien ne vint en compenser la perte.

Pour faire face à cette situation, le collège d´Aubusson fut fondé en 1835 par une association de 134 pères de famille, qui puisèrent dans leurs économies pour réaliser cette entreprise d'édilité. "Convaincus que rien n'attesterait plus le développement de la raison publique et le patriotisme éclairé de la cité", ils se réunirent et arrêtèrent ensemble les statuts de leur société, qui furent rédigés par Sallandrouze, Grellet-Aumont, Nalèche, Dayras Jeune, Delavallade et Hippolyte Grellet, notaire.

Cette société civile d'actionnaires fut contractée pour 50 ans, avec des actions d'une valeur de 600 francs et un capital de 93 600 francs. Elle se donna pour but la création d'un collège de plein exercice, c'est-à-dire dont le cursus conduirait au baccalauréat.

En 1837, la commune d'Aubusson devint actionnaire prioritaire du projet de collège, en achetant cinq de ces actions.

Le Ministère de l'Instruction refusa néanmoins à cet établissement le titre de "collège", car ce n'était pas une institution publique, puisqu'elle était alimentée par des crédits privés. Mais il dut finalement s'incliner devant son succès : en 1838, une ordonnance royale du 18 octobre reconnut officiellement le collège communal. Il ouvrit ses portes avec un effectif de 111 élèves, dans des bâtiments construits derrière le palais de Justice, sur la place Villeneuve, à l'emplacement d'une partie de l'ancien couvent des Récollets et dans un style néoclassique.

Tout au long de la seconde moitié du 19e siècle, l'établissement fut marqué par la personnalité de Gabriel Bertrand, son principal de 1852 à 1874, qui fut un remarquable administrateur pour l'établissement. Les principalats de MM. Raffy (1874-1880), Bruault (1880-1886) et Bourson (1886-1887) furent, en revanche, marqués par des difficultés croissantes de gestion et par une vétusté de plus en plus préoccupante des locaux du collège.

Or, les lois Ferry prises sous la Troisième République (1881-1882) réclamèrent une amélioration des conditions de travail des élèves et des professeurs. A l'aube du 20e siècle, ce problème des locaux devint crucial, par suite de la loi de 1904, qui interdit l'enseignement aux congrégations religieuses, provoquant ainsi un afflux d'élèves vers les établissements laïcs. L'étroitesse du collège et son insalubrité provoquèrent de premiers travaux de réparation sous l'égide de l'architecte Jouanique, en 1912. L'électricité y fut installée en 1913.

En 1911, un traité constitutif fut établi entre le Ministère de l'Instruction Publique et la municipalité d'Aubusson pour que cette dernière puisse gérer le collège en régie directe. La ville reçut l'obligation, sous trois ans, de procéder aux travaux d'appropriation, d'agrandissement et aux acquisitions de mobilier et de matériel nécessaires à l'établissement. Le traité régla également la répartition des financements - le salaire des fonctionnaires et les frais de fonctionnement revenant à la charge de la commune. Pour autant, la question de la propriété des bâtiments n'en resta pas moins non résolue, car ils continuaient d'appartenir à la société civile constituée en 1835, dont les statuts étaient pourtant parvenus à expiration en 1885.

En 1914, le collège hébergea temporairement un hôpital complémentaire de fortune, afin d'accueillir les blessés venus du front. Durant ce douloureux intervalle, les cours furent dispensés dans divers bâtiments disséminés à travers la ville.

En 1922, l'adjonction d'une Ecole Primaire Supérieure au cursus contribua à remonter la fréquentation du collège et à résoudre temporairement la crise des effectifs.

Sous le principalat de Jean Ferry (1926-1932), le maire d'Aubusson annonça sa ferme intention de faire un emprunt pour remettre enfin le collège en état. C'est dans ce contexte qu'un projet d'agrandissement et de reconstruction fut proposé par l´architecte Robert Brigand, dans le style Art Déco. S'il avait été réalisé, l'ossature du nouveau collège aurait été en béton armé, avec une façade-pignon en gradins, des pilastres cannelés ornés d'agrafes et un entablement décoré de plaques aux noms des grandes figures de la littérature et de la pensée française (Molière, Corneille, Descartes, Pascal). Ce projet fut rejeté par l'architecte conseiller technique du préfet de la Creuse, Magne, au motif qu'il était insuffisant pour l'espace à aménager et qu'il prévoyait la construction du logement du principal en saillie, inacceptable pour la mairie.

La Seconde Guerre Mondiale porta sans doute le coup fatal à cette entreprise de reconstruction. A cette date, le collège couvrait 540 m2 et comprenait un rez-de-chaussée et trois étages, le dernier étant mansardé. Il n'abritait que 13 salles de classe, bien insuffisantes pour accueillir tous les élèves. Dans l'attente, l'architecte de la commune, Paul Pinlon, procéda à l'agrandissement de la loge du concierge et à divers travaux d'aménagement (cloisonnement des classes, poursuite de l'électrification, dortoir).

Durant la Seconde Guerre Mondiale, le collège abrita des réfugiés, avant d'être occupé, dès 1944, par les Allemands, qui y rassemblèrent les maquisards faits prisonniers.

En 1947, le nouveau principal de l'établissement, M. Raynaud, décrivit en ces termes l'état du collège, dans un rapport au Ministère : "des plâtres (parfois de gros blocs) se détachent de la cage d'escalier, des plafonds, des couloirs et des dortoirs, risquant de tomber sur les lits... Les murs et les plafonds sont lépreux, les fenêtres ouvrent et ferment avec difficultés, parfois même doivent être condamnées. Le mobilier scolaire est souvent constitué de tables de quatre ou cinq places avec plateau horizontal et bancs mobiliers sans dossier. Des poêles en mauvais état, dont l'allumage et l'entretien exigent des soins délicats, assurent le chauffage".

Le 5 juillet 1946, le conseil municipal d'Aubusson vota enfin en séance le projet de réfection complet du collège, espéré depuis tant d'années. M. Raynaud ne vit pourtant pas le démarrage du chantier, car ce n'est qu'avec le passage, en 1954, de l'établissement sous régie d'Etat, que la rénovation put débuter.

Le projet de Brigand fut repris dans un tout autre style par les architectes Jean-Pierre Paquet et Paul Pinlon. Ils conservèrent l'idée de deux corps de bâtiment disposés en équerre, l'un destiné à l'internat et l'autre à l'enseignement, mais ils lui donnèrent davantage de développement et lui recherchèrent une fonctionnalité nouvelle, avec un accent mis sur les circulations, plus aisées et sur la lumière, accueillie par de longs bandeaux de fenêtres.

Leurs plans ayant été approuvés par le conseil municipal le 5 février 1952, la réalisation des travaux s'opéra en plusieurs tranches, de 1954 à 1971.

Les travaux débutèrent le 2 juillet 1954, sous le principalat de M. Ajac (1953-1961). A la rentrée 1956 fut inaugurée l'aile abritant les salles de classes, le long de la rue Roger Cerclier. De 1957 à 1958 fut édifiée la seconde aile, destinée aux appartements de fonction et aux dortoirs. Mais il demeurait le problème du raccord délicat entre ces deux nouveaux espaces et le vieux corps central, dans lequel se trouvaient encore des bureaux et la salle des professeurs. La démolition de ce dernier débuta sous le principalat de M. Chevassu (1961-1969), accompagnée par le surcreusement du terrain de la cour d'honneur et la démolition de la loge du gardien. Un nouveau corps central fut construit entre 1970 et 1971 et les architectes choisirent d'y remonter le portique d'entrée à colonnes ioniques du bâtiment néoclassique initial. Il fut raccordé aux deux ailes et gagna un niveau du côté de la place. A l'entrée de la cour fut édifié le bâtiment de la conciergerie, abritant également trois logements de fonction.

En 1959, l'établissement devint un collège national classique et moderne, puis, en 1960, un lycée classique et moderne mixte, comptant 600 élèves.

Le chantier de reconstruction fut complété par l'ouverture d'un internat féminin, avenue de la République, en 1961. Avec l'instauration de la mixité dans les classes, à la fin des années 1950, il était en effet devenu nécessaire d'adjoindre au collège un tel équipement, pour éviter de devoir loger les jeunes pensionnaires en ville. Le 14 août 1952, le conseil municipal d'Aubusson acheta aux époux Chirat, propriétaires du château de Chabassière, une propriété sise avenue de la République, qu'ils avaient acquise en 1923, et sur laquelle ils avaient fait construire une maison d'habitation de 92 mètres carrés et un pavillon attenant d'une centaine de mètres carrés. La commune en confia l'aménagement en internat féminin à l'architecte Lafay. Mais deux ans plus tard, le nombre d'internes étant passé de 28 à 57, la municipalité vota, le 29 octobre 1954, l'agrandissement de l'internat, sur les plans des deux architectes responsables de la reconstruction du collège, Paquet et Pinlon. Ils édifièrent un nouveau bâtiment de plan rectangulaire, perpendiculaire à l'avenue de la République, dans un style tout à fait similaire à celui des deux ailes latérales du collège. Ce dernier ouvrit ses portes en 1961 ; il est aujourd'hui mixte.

Les classes primaires de la 11ème à la 7ème (CP au CM2) ont quitté le lycée entre 1967 et 1970.

En 1972, à l'apogée de ses effectifs, le lycée comptait encore 908 élèves.

Depuis 1986, il est passé sous l'autorité de la Région et a pris le nom d'Eugène Jamot (1879-1937), en hommage au médecin militaire originaire de Saint-Sulpice-les-Champs, directeur de l'Institut Pasteur de Brazzaville, qui s'illustra dans la lutte contre la trypanosomiase africaine, plus connue sous le nom de maladie du sommeil.

Périodes

Principale : 2e quart 19e siècle

Secondaire : 2e moitié 20e siècle

Dates

1954, daté par source

Auteurs Auteur : Paquet Jean-Pierre, architecte (attribution par source)
Auteur : Pinlon Paul, architecte (attribution par source)
Auteur : Lafay, architecte (attribution par source)

Le collège a été construit sur une parcelle trapézoïdale, limitée, au nord, par la rue William Dumazet et à l'est, par la rue Roger Cerclier. Ses différents bâtiments s'organisent autour d'une cour. Il se compose de trois ailes disposées en équerre, formant un U très ouvert et asymétrique, présentant chacune deux étages carrés et un étage de comble, sous des toits à croupe brisée recouverts d'ardoises - à l'exception du corps central, qui, avec le creusement de la cour, a été bâti sur un étage de soubassement permettant de racheter la dénivellation descendant vers la rue Dumazet. Ce dernier, qui offre neuf travées d'une parfaire régularité, abrite les bureaux de l'administration. Son élévation sur la place est rythmée par le jeu de la pierre de taille (corniche, bandeau entre les niveaux, encadrements des baies, chaînages d'angle) alternant avec l'enduit blanc des surfaces nues. La porte d'entrée se signale par la majesté de son encadrement : deux colonnes ioniques portant un entablement en forte saillie.

L'aile ouest abrite des logements de fonction. Elle est plus courte que l'aile est, qui héberge les salles de cours.

Le parti pris d'ensemble reflète l'architecture fonctionnelle des années 1950 (bandeaux de baies avec des appuis marqués, forte prédominance des lignes horizontales), avec toutefois des emprunts régionalistes, comme l'ardoise d'Angers en couverture. La modernité est apportée à l'édifice par les matériaux utilisés : béton armé, charpentes métalliques, verre cathédrale pour les panneaux éclairant les cages d'escalier situées à chaque extrémité des ailes.

On y retrouve l'éthique de Jean-Pierre Paquet, également présente dans l'une de ses autres réalisations locales, le Lycée des Métiers du Bâtiment de Felletin (1947) : une recherche d'harmonie intellectuelle et sociale, inspirée par les utopies modernistes, avec une nette distinction, dans le plan, entre les espaces dévolus à l'enseignement et ceux réservés aux logements - les loisirs et le préau servant de liants entre ces équipements. Comme à Felletin, Paquet a travaillé sur l'opposition des formes géométriques vides (fenêtres) et pleines (surfaces de mur lisses) et a souligné les lignes horizontales grâce à des artifices tels que les larmiers saillants des façades, ou les auvents métalliques bordant la cour.

Le bâtiment de la conciergerie, à l'ouest de la cour, se distingue par son toit-terrasse. Quant au bâtiment de l'internat, avenue de la République, de plan rectangulaire régulier, il reprend, dans un souci d'harmonie, le style architectural adopté pour les deux ailes latérales du collège.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : granite

  2. Matériau du gros oeuvre : béton

    Revêtement : enduit

Toits
  1. ardoise
Plans

plan régulier en U

Étages

étage de soubassement, 2 étages carrés, étage de comble

Élévations extérieures

élévation à travées

Couvertures
  1. Type de couverture : terrasse

  2. Partie de toit : croupe brisée

Escaliers
  1. Emplacement : escalier intérieur

    Forme : escalier tournant à retours avec jour

    Structure : en maçonnerie

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Creuse , Aubusson , 1 rue William-Dumazet

Milieu d'implantation: en ville

Cadastre: 2007 AH 104, 105, 137

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